Hommage à la moudjahida, Djamila Daniele Amrane Minne
L'on m'a proposé d'écrire quelques mots sur Djamila, c'est plus facile pour moi de les adresser à Mina, sa fille.
Chère Mina,
Quelques mots pour te dire que je m'associe à toi et à vous dans la douleur.
Tu sais à quel point Djamila comptait et compte pour moi.
Djamila m'inspire et peut inspirer toutes celles et ceux qui veulent agir du côté de l'émancipation.
Pour son pays, elle a porté des messages, des bombes mais surtout des principes : renoncer et rompre avec ces privilèges qui lui étaient proposés dans l'Algérie coloniale, et se mettre du côté de ceux et celles qui luttent contre l'oppression, contre la férocité, pour que triomphe la libération de l'Algérie.
Son engagement s'est prolongée bien au-delà de la guerre d'Indépendance : par cette volonté de transmettre.
Transmettre l'Histoire de son pays, l'Algérie, mais aussi la place, le rôle que les femmes algériennes – ces moudjahidates ont eu dans l'écriture de cette destinée. Auteure d'une thèse sur ce sujet, basée sur 88 entretiens avec des résistantes – un trésor national - elle travailla scrupuleusement à faire mémoire, à rendre hommage.
Aujourd'hui c'est à nous de le faire pour elle, résistante par l'action et le savoir, et pour toutes ces femmes et ces hommes qui ont vaincu le colonialisme français de l'époque, qui s'est transformé aujourd'hui.
J'ai eu la chance de la rencontrer de différentes manières : au départ pour un documentaire, en tant qu'historienne, et elle-même ancienne combattante. Elle a été la première intellectuelle-militante à me faire pleinement confiance et à m'ouvrir toutes les portes possibles.
En premier lieu celle de sa maison et de sa famille, en me recevant patiemment lors des nombreux entretiens qu'elle m'a accordé pour m'aider à faire connaissance, mais aussi les portes de son réseau pour m'aider dans la tâche à accomplir. Je ne l'oublierai jamais. Sa confiance, sa patience et sa foi en mon travail. C'est une autre dimension de transmission militante qui émanait de Djamila.
Un œil amusé, affuté, exigent et généreux se posait sur moi.
Lors des nombreuses interviews effectuées en Algérie Djamila et Rabah, son mari m'ont accueilli comme des grand-parents rue Mohammed V, tandis que toi Mina et ton mari Amine vous êtes devenus famille au gré des rencontres pour le film. Encore un autre cadeau de Djamila.
Djamila m'a raconté la guerre, la lutte dans ses recoins, les doutes et contradictions, les ambiances, les douleurs qui ne peuvent être dites qu'en off, m'a accompagnée dans ma découverte de l'Algérie, des autres moudjahidate, m'a initiée à quelques mots d'arabe à travers sa thèse : moussebila, fidaya, moudjahida... ! Elle m'a aussi fait savourer la cuisine algérienne ; des courgettes farcies à la kesra-nutella beurre (les 2 derniers ingrédients c'est moi qui les ai ajoutés)!
Elle a été ma porte d'entrée sur la réalité algérienne d'aujourd'hui avec ces fantômes du passé.
Ce que j'ai aimé aussi chez elle c'est sa douceur et son intelligence sur les problèmes contemporains : c'est une chose d'être du côté des opprimées à 20 ans, ça en est une autre de le rester à 70 ans !
Elle laisse une magnifique famille derrière elle, des magnifiques petits enfants, et un héritage politique qui va au delà de ses témoignages : une incarnation de l'inattendue, une incarnation de « on n'est pas ce que l'on nait mais ce qu'on choisit de devenir », toutes les circulations (identitaires) sont possibles, ce qui compte ce sont les choix, le sens, l'éthique qui nous déterminent plus que notre extraction.
Au delà de l'exemplarité de son engagement, de la précédente qu'elle représente, je me sentais à ses côtés sous son aile, sous la bienveillance d'une nouvelle grand-mère offerte par la vie.
Je t'embrasse fort Djamila,
Paix à son âme – Allay y rahma.
Texte lu à La Colonie (barrée) en 2017.
Photo extraite du film Moudjahidate
En savoir plus
Chère Mina,
Quelques mots pour te dire que je m'associe à toi et à vous dans la douleur.
Tu sais à quel point Djamila comptait et compte pour moi.
Djamila m'inspire et peut inspirer toutes celles et ceux qui veulent agir du côté de l'émancipation.
Pour son pays, elle a porté des messages, des bombes mais surtout des principes : renoncer et rompre avec ces privilèges qui lui étaient proposés dans l'Algérie coloniale, et se mettre du côté de ceux et celles qui luttent contre l'oppression, contre la férocité, pour que triomphe la libération de l'Algérie.
Son engagement s'est prolongée bien au-delà de la guerre d'Indépendance : par cette volonté de transmettre.
Transmettre l'Histoire de son pays, l'Algérie, mais aussi la place, le rôle que les femmes algériennes – ces moudjahidates ont eu dans l'écriture de cette destinée. Auteure d'une thèse sur ce sujet, basée sur 88 entretiens avec des résistantes – un trésor national - elle travailla scrupuleusement à faire mémoire, à rendre hommage.
Aujourd'hui c'est à nous de le faire pour elle, résistante par l'action et le savoir, et pour toutes ces femmes et ces hommes qui ont vaincu le colonialisme français de l'époque, qui s'est transformé aujourd'hui.
J'ai eu la chance de la rencontrer de différentes manières : au départ pour un documentaire, en tant qu'historienne, et elle-même ancienne combattante. Elle a été la première intellectuelle-militante à me faire pleinement confiance et à m'ouvrir toutes les portes possibles.
En premier lieu celle de sa maison et de sa famille, en me recevant patiemment lors des nombreux entretiens qu'elle m'a accordé pour m'aider à faire connaissance, mais aussi les portes de son réseau pour m'aider dans la tâche à accomplir. Je ne l'oublierai jamais. Sa confiance, sa patience et sa foi en mon travail. C'est une autre dimension de transmission militante qui émanait de Djamila.
Un œil amusé, affuté, exigent et généreux se posait sur moi.
Lors des nombreuses interviews effectuées en Algérie Djamila et Rabah, son mari m'ont accueilli comme des grand-parents rue Mohammed V, tandis que toi Mina et ton mari Amine vous êtes devenus famille au gré des rencontres pour le film. Encore un autre cadeau de Djamila.
Djamila m'a raconté la guerre, la lutte dans ses recoins, les doutes et contradictions, les ambiances, les douleurs qui ne peuvent être dites qu'en off, m'a accompagnée dans ma découverte de l'Algérie, des autres moudjahidate, m'a initiée à quelques mots d'arabe à travers sa thèse : moussebila, fidaya, moudjahida... ! Elle m'a aussi fait savourer la cuisine algérienne ; des courgettes farcies à la kesra-nutella beurre (les 2 derniers ingrédients c'est moi qui les ai ajoutés)!
Elle a été ma porte d'entrée sur la réalité algérienne d'aujourd'hui avec ces fantômes du passé.
Ce que j'ai aimé aussi chez elle c'est sa douceur et son intelligence sur les problèmes contemporains : c'est une chose d'être du côté des opprimées à 20 ans, ça en est une autre de le rester à 70 ans !
Elle laisse une magnifique famille derrière elle, des magnifiques petits enfants, et un héritage politique qui va au delà de ses témoignages : une incarnation de l'inattendue, une incarnation de « on n'est pas ce que l'on nait mais ce qu'on choisit de devenir », toutes les circulations (identitaires) sont possibles, ce qui compte ce sont les choix, le sens, l'éthique qui nous déterminent plus que notre extraction.
Au delà de l'exemplarité de son engagement, de la précédente qu'elle représente, je me sentais à ses côtés sous son aile, sous la bienveillance d'une nouvelle grand-mère offerte par la vie.
Je t'embrasse fort Djamila,
Paix à son âme – Allay y rahma.
Texte lu à La Colonie (barrée) en 2017.
Photo extraite du film Moudjahidate
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